Rencontre avec Maureen à Vallauris


Maureen est membre du collectif Minuit depuis 2022. Ses pièces en porcelaine aux motifs colorés et son mug Léopard ne passent pas inaperçus lors des ventes éphémères ! On a eu l’occasion de discuter avec elle de son parcours et du quotidien d’un métier passion.

Hello Maureen, ton atelier s’appelle MSG Céramique. Tu peux te présenter ?

J’ai grandi en région parisienne et je suis céramiste à Vallauris. Je fabrique mes pièces à la main en associant les techniques traditionnelles de Limoges, le tournage de plâtre, la porcelaine et l’artisanat provençal..

Tu as toujours su que tu souhaitais devenir artisane ?

Assez vite ! j’ai toujours eu un goût pour la création et l’artisanat. Mon père était menuisier-ébéniste et il y a beaucoup d’artisans dans la famille :  mon grand-père était plombier, mon oncle peintre en lettres ..  J’avais donc une bonne connaissance de ces métiers artisanaux et j’ai rapidement suivi la même voie avec un bac STI Arts appliqués que j’ai poursuivi par un Diplôme des métiers d'arts Céramique Artisanale.

Pourquoi la céramique ?

Honnêtement, par hasard ! Je cherchais des débouchés post bac et je savais que je voulais faire un DMA pour l’aspect pratique technique. J’ai alors postulé dans plein de filières :bijou, vitrail, céramique…  Et j’ai été prise en DMA à Antibes !

J’ai eu une vraie révélation à ce moment-là ! Le poids scolaire qui pesait sur mes épaules au collège et au lycée s’est enfin allégé. La formation était incroyable et les profs géniaux. On était à l’atelier la majeure partie du temps. J’étais enfin à ma place et je me projetais.

Pourquoi la porcelaine ? Comment as-tu élaboré tes collections ?

La porcelaine se prêtait le mieux à mes idées. J’avais par exemple envie de collections avec des contrastes entre une finition brillante et une finition mat et la faïence et le grès offraient moins de possibilités. La porcelaine est vivante ! C’est une terre avec une belle qualité de rendu et je la maitrise bien. 

De temps à autre j’utilise quand même du grès comme pour ma collection “Léopard”. Je voulais une terre beige pour rappeler la teinte d’un léopard donc il me semblait plus cohérent d’utiliser une terre qui se rapproche de la teinte souhaitée que de transformer de la porcelaine blanche étincelante en beige (rires)

A l'inverse, si je souhaite colorer en bleu vif de la porcelaine blanche, c’est plus simple que de le faire sur un grès plus foncé.

Pour les collections, l’inspiration est venue à l’école.  J’alternais des pâtes de coulage dans les moules pour des effets marbrés que j’aime bien. J’avais envie de combiner minimaliste et visuels chargés, présents. Des pièces simples, modernes, singulières. J’ai essayé plein de techniques avec des engobes, des émaux… j’aime bien faire la chimiste. 

Du coup j’ai fait des tas de recherches notamment de porcelaine colorée et des émaux mats. J’ai trouvé comme cela de nombreux coloris. D’abord un noir dense et opaque, ma première teinte, et petit à petit les autres couleurs (un bleu Klein, un orange, un rouge, un rose, un camel...)

Pour la collection Léopard, c’était presque une évidence. Je suis tout le temps habillée en motifs léopards, il en manquait dans mes céramiques !

Tu es installée dans un atelier à Vallauris..

Oui, j’ai d’abord trouvé un atelier partagé à Vallauris pendant une année. On était 5 filles. C’était la transition parfaite après les études. Ce n’était pas loin d’Antibes en plus, j’ai vite eu mes repères !

J’ai ensuite trouvé un local et j’y suis toujours aujourd’hui.

J’ai consacré beaucoup d’heures à mettre en place ce métier et pouvoir en vivre. Au début, j'ai pris des jobs alimentaires pour financer l’installation mais je refusais de grignoter les heures de travail à l’atelier ,alors j’enchainais le soir en tant que serveuse ou baby-sitter.

Disons que j’ai voulu pousser le curseur au maximum pour en faire mon métier à temps plein rapidement. Je ne souhaitais pas consacrer un mi-temps uniquement à la céramique.

Dès que j’ai pu me verser un petit salaire, j’ai arrêté les jobs alimentaires et j’ai travaillé à 1000%. J’ai fait beaucoup de marchés de potiers. 

Il t’as fallu combien de temps pour te verser un salaire ?

Bien 2 ans ! La première année en 2016 à mon installation, j’ai fait 400€ de bénéfice annuel.. C’était rude. Deux ans plus tard, j'ai atteint mon premier objectif financier.

Tu travailles beaucoup, comment tu gères l’équilibre vie personnelle et vie professionnelle ?

J’ai un peu sacrifié ma vie personnelle pour donner toutes les chances de réussite à mon atelier. Je n’ai pas pris de vacances pendant plusieurs années. Il y avait toujours autre chose. Je disais à mon mari : je ne peux pas partir, “c'est l’été” ou “c’est Pâques”.. Heureusement il m’a beaucoup soutenu et progressivement accompagné pour lâcher prise.

La céramique c’est toute ma vie. Je prends 1 jour de congé le dimanche et encore s’il n’y a pas de marchés de potier, sinon je suis toujours à l’atelier. Cette année je me suis fixée d’avoir mon samedi après-midi aussi ! J’y vais petit à petit.

J’ai 30 ans. On rêve d’avoir un enfant, mais on a vraiment une vie à 100 à l’heure. J’essaie d’apprendre à ralentir. 


Finalement la passion est devenue dévorante ?

Oui, c’est finalement le piège d’aimer son métier et de vouloir en faire une activité pérenne. Il faut toujours faire davantage, on pense au travail sans cesse. J’ai eu quelques années compliquées ou j’étais obsédée par les chiffres, les investissements à faire, les hauts et les bas de mes ventes. Lorsque c’est notre bébé, ça nous tient tellement à cœur. Ça prend à l’âme. Et c’est dur de prendre du recul. Mon compagnon est breton, il est très terre à terre. C’est lui qui m’aide à apprendre à lâcher. Mais c’est des choses qu’on apprend pas à l’école. Et on ne m’avait jamais parlé de santé mentale. Tu le découvres quand ça t’arrives et il faut alors apprendre à se préserver !

Tu aurais un conseil pour de futurs céramistes ?

Apprendre à prendre le temps justement. Et penser son activité et ses collections en fonction de son mode de vie. On y pense pas assez ! Tournage, coulage, recherche d’émaux… Les journées ne sont pas les mêmes.

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