À Dijon dans l’atelier d’Antoine - AP Céramique !
Je m’appelle Antoine, j’ai 35 ans, je suis céramiste et originaire de Bourgogne. Pourtant je n’ai pas du tout suivi un parcours artistique !
J’ai fait des études de droit et en master je me suis spécialisé en propriété intellectuelle. J’avais en tête la sécurité de l’emploi. Aujourd’hui j’ai créé l’atelier AP Céramique.
Comment es-tu passé du droit à céramiste ?
Côté perso, j’ai toujours été passionné par les arts graphiques, le design, la peinture.. J’adore le design, l’architecture et le mobilier depuis toujours. Ça m’inspire énormément ! J’ai notamment en tête les années 30 à 50.
Et à force de lecture et de recherche, la céramique a été conviée dans mon goût pour la décoration.Il y avait aussi un lien avec mon enfance car j’accompagnais ma mère sur des marchés de potier enfant.
J’ai effectué trois ans dans des cabinets d’avocats en stage et je me suis spécialisé en propriété intellectuelle. J’ai été embauché en CDI. Mais je n’étais pas du tout épanoui, je m’ennuyais au travail.
J’ai commencé à prendre des cours du soir de céramique et en touchant la terre j’ai vraiment eu le déclic. L’inspiration m’est venue de suite. J’ai pris des cours pendant deux ans à côté du travail.
En parallèle je rêvais de partir voyager au Canada et j’avais candidaté pour un PVT (permis vacances- travail). J’ai reçu une réponse positive et j’ai alors posé ma démission le 1er avril 2016 (sans blague !) Il a fallu passer par l’étape d’annoncer à ses proches que l’on quitte un CDI pour partir loin à l’aventure.
Je suis donc parti vers Montréal en septembre 2016 avec l’objectif de me consacrer enfin au design et à la céramique. Pendant plusieurs mois j’ai pris le pouls de la ville et rencontré du monde - le travail au Canada fonctionne beaucoup au relationnel. J’ai continué les cours de céramique avec une française installée là-bas. Et elle m’a orienté vers un grand atelier qui cherchait justement du personnel.
C’était fou car je n’avais aucune expérience et au Canada le CV importe peu : on regarde ta motivation et ton objectif personnel.
Cet atelier travaille pour de gros projets B2B à l’international : hôtels de luxe, restaurants, boutiques sachs (5e avenue NYC)... Je me souviens d’un projet qui consistait en une immense suspension comprenant 1000 fleurs en “porcelaine” (terre locale s’apparentant à de la porcelaine). J’ai commencé par réaliser des plaques de porcelaine toute la journée.
Par la suite, j'ai progressivement pu faire ce que je voulais et je me sentais à ma place. J’ai adoré et j’avais vraiment besoin de cette confirmation avant de me lancer dans une formation professionnalisante. Ça devait être temporaire et je suis restée 2 ans finalement en tout ! On travaillait en binôme avec la cheffe d’atelier et on s’entendait super bien, c’est une amie aujourd’hui. J’ai progressivement formé les gens en étant le plus ancien de l’atelier et c’était très formateur.
Après ces deux ans en PVT, je suis rentré en France et je me suis installé en Bourgogne.
Tu avais une idée de la suite ?
Ma préoccupation principale était comment continuer la céramique en France ?
J’ai découvert la formation céramique créateur à Saint-Amand-en-Puisaye. La région finance l’école à hauteur de 19 000€ et on est rémunéré à hauteur de 800€ / mois. J’ai postulé et j’ai été accepté. J’ai démarré en septembre 2019. Passer de Montréal à Saint-Amand était un peu étrange mais comme j’étais dans mon élément ça importait peu.
J’ai passé une année incroyable pendant laquelle j’ai eu le temps d’expérimenter et de trouver mon univers de création. J’avais déjà démarré des choses au Canada, notamment les assiettes géométriques à la plaque. J’ai poursuivi avec des pièces en coulage et une réflexion plus poussée sur les formes - combinaisons, les assemblages possibles.
Quelles sont tes inspirations ? Comment est-ce que tu imagines tes collections ?
L’idée de mes collections me vient assez naturellement. J’aime la notion de modularité liée à l’architecture et imaginer des pièces qui sortent de l’ordinaire. Je cherche toujours la nouveauté dans les formes et la pureté en restant sur des tonalités de blanc et de noirs.
Je travaille le plus souvent la porcelaine, une terre idéale pour le coulage, belle et raffinée. J’aime sa douceur et je la ponce pour accentuer l’effet. À l'inverse, je vais plutôt utiliser du grès pour le modelage.
Pour les motifs, j’aime les traits de pinceaux qui évoquent aussi mon goût pour la peinture, je peins un peu à côté.
C'est comment tes journées à l'atelier ?
Il n’y a pas de journée type et je ne m’ennuie jamais. Une semaine je vais réaliser des pièces en coulage puis la semaine d’après en modelage, en fonction des projets.
Je travaille surtout avec des professionnels : boutiques, restaurants ..
J’ai par exemple réalisé les collections du restaurant Au Chapeau Rouge à Dijon, un 2* Michelin et l’assiette nuage fait désormais partie intégrante de l’identité du restaurant. J’échange régulièrement avec le chef William Frachot au sujet de ses envies et idées.
Je ne pense qu'à la céramique, c’est vraiment un boulot passion. Je suis à l'atelier tous les jours sauf le week-end et c’est vrai que c’est très prenant.
C’est un métier qui demande un mental fort. Ça impacte tous les aspects de la vie. C’est génial aussi, on a une liberté incroyable : je n’étais pas du tout fait pour le salariat.
J’arrive à en vivre mais ce n’est pas mirobolant, seul ce serait un peu galère.
En 2021 j’ai gagné le prix des métiers d’art au niveau départemental, j’étais fier !
Comment tu envisages le futur ?
J’aimerais bien m’installer dans une maison, avec un atelier.
Je vis au jour le jour pour le moment et ça me convient. J’aime être à la fois designer et céramiste, dans la conception et la fabrication en fonction des projets. L’équilibre entre les deux me va très bien !