Juliette Lereun, potière à 18 ans
Tu es sans doute une des plus jeunes céramistes du collectif ; quand as-tu décidé d’exercer ce métier ?
Juliette - En fait, avant que je démarre ma formation DMA Céramique juste après mon bac, je savais que je cherchais à faire un métier manuel, créatif mais la céramique a été une rencontre. Une rencontre avec les professeurs de cette école à Antibes lors des examens d’entrée. Ça a été un coup de foudre pour l’école, les gens, la promesse d’un enseignement. D’ailleurs je ne connaissais même pas Antibes, j’ai grandi en Bretagne et je me souviens avoir cherché sur une carte. C’était à l’opposé de chez moi, j’avais 17 ans. Je suis arrivée avec un train de nuit à l'examen d’entrée, j’ai vu le soleil se lever sur la mer.. je suivais juste mon instinct.
À ce moment-là, tu n'avais pas encore vraiment de plan en tête ?
Juliette - Oui, c’est vraiment pendant mon apprentissage que très vite je me suis dit : “c’est ça le métier que je veux faire” et j’ai vite compris que je voudrais monter mon atelier ensuite. Mais pas juste après le DMA ; je n'étais pas assez mature dans ma pratique et dans mon expertise.
Donc tu te rends compte qu’il te faut autre chose avant de monter ton atelier ?
Juliette - Je savais que mon niveau technique n'était pas suffisant. Je voulais faire du tournage en porcelaine et il me fallait beaucoup plus de pratique pour me sentir assez en confiance. En sortant du DMA c’était clair alors je suis entrée en CAP Tournage et j’ai fait une résidence à Antibes en parallèle. J’avais besoin de deux choses pour me lancer : savoir tourner parfaitement, donc une grande technicité et mûrir l’esthétique des pièces que je voulais créer.
Et à la fin de cette résidence, tu t’es sentie enfin prête ?
Juliette - Oui, j’ai ouvert mon atelier en Bretagne avec mon compagnon rencontré pendant mes études justement. En regardant en arrière maintenant, ça va faire 5 ans qu’on est installés, on était complètement inconscient.. (rires)
Ah oui, inconscients ?
Juliette - Oui, on avait rien budgétisé. On avait fait des économies pour s’installer, acheter un four et payer 3 mois de loyer. C’était de l’insouciance. On savait que c’était le métier de notre vie, qu’il fallait “juste” produire, vendre et que ça devrait marcher. On ne s'est pas posé de questions. Par chance on a ouvert au mois de Décembre et on a bénéficié des ventes de Noël. Les choses ont alors vite démarré. On a beaucoup travaillé. Je suis très fière de ce qu’on a réussi à construire alors qu’on ne connaissait rien à la création d’entreprise.
On entend souvent qu’être artisan.e aujourd'hui c’est un métier difficile, on vit notre métier et malheureusement il ne nous fait pas vivre..
Juliette - C’est un métier qui me fait vivre mais pas avec des salaires mirobolants. Je n’en veux pas d’ailleurs, ma vie me satisfait pleinement. Je vis dans un endroit que j’aime, j’exerce un métier que j’adore, et je suis libre. Je suis autonome et indépendante, c’est ça pour moi la liberté. Oui c’est difficile et notre métier nous exploite, on y passe quelquefois nos soirées et nos weekends. Je me souviens d’un livre quand j’étais petite, l'héroïne disait : la liberté ce n’est pas de faire ce qu’on veut mais ce qu’on doit faire. Chaque jour, je décide de ma journée et de mes priorités, je suis capable de me lever tous les matins pour aller tourner dans l’atelier. La liberté c’est l’autonomie et l’indépendance et j’ai construit mon métier comme ça finalement.