Rencontre avec Fougasse Céramique, en Provence
Je m’appelle Juliette, j’ai 32 ans et je suis originaire du Sud de la France, de Saint-Rémy-de-Provence. Au lycée, j’ai suivi un cursus littéraire et j’étais déjà attirée par l’artisanat mais je ne savais pas comment mettre un pied dans ce secteur.
J’ai alors fait plusieurs essais : une formation à la cuisine et finalement un BTS métiers de la mode à Romans-sur-Isère avec une spécialisation en cuir et chaussures. J’avais une préférence pour les accessoires plutôt que le vêtement et la formation m’a beaucoup plu. En revanche, on nous préparait pour devenir modéliste dans des usines textiles implantées dans des zones paumées de France.
Je décide alors d’intégrer une école de mode à Paris pour deux ans de formation. À ce moment-là j’ai 21 ans. Je fais des stages dans des marques d’accessoires et de chaussures, puis je deviens styliste en freelance et je travaille par la suite pendant 2 ans pour une marque de baskets de luxe.
Le métier de styliste se passe majoritairement sur l’ordinateur : recherche d’inspiration, création de fiches techniques.. Il y avait aussi quelques déplacements dans les usines au Portugal ce qui était super intéressant. C’est un milieu avec une ambiance particulière la mode. Et je ne me projette pas derrière un ordinateur toute ma vie.
En parallèle, je décide de prendre un cours de modelage chez la céramiste Jessica Chetrit à Montreuil et j’adore. Puis j’ai envie d’apprendre à tourner.
Quel a été le déclic de ta reconversion ?
En 2020, je pars m’installer avec mon ancien copain néerlandais aux Pays-Bas à Amsterdam. Je découvre le tournage là-bas au studio Pansa et c’est le coup de cœur ! Je prends deux cours et le confinement arrive.. Je ne suis clairement pas la meilleure et j’ai envie de progresser, alors j’achète un tour de potier pour m’améliorer à la maison pendant le confinement. J’ai pratiqué de manière assidue et en autodidacte pendant toute la période COVID. Une amie m’a prêté un espace dans un atelier artistique. Puis j’ai repris des cours dans une association à Amsterdam.
C’est marrant car en 2020 aux Pays-Bas il n’y avait pas de tendance de la céramique comme en France. Les élèves étaient de vieux hippies hollandais, des petites mamies. C’était top comme ambiance !
La pratique du tour m’a vraiment happé. J’ai vite senti que j’avais envie d’en faire mon métier mais je n’osais pas me l’avouer. Je me suis alors trouvée un job alimentaire : je préparais des gâteaux dans un café et je continuais à me former. Ma première collection a commencé à prendre forme, j’ai aussi fait mes premières photos à ce moment-là.
Je suis rentrée en France en janvier 2021 avec mes céramiques dans le camion. Mes parents pouvaient me prêter un studio pour démarrer mon activité alors je me suis lancée. Et j’y suis toujours, mon atelier à deux ans.
Comment se sont passées ces deux années ? Quelle a été la progression de ton activité ?
La première année j’ai commencé lentement avec un job dans une boulangerie à mi-temps.C’était une période stressante et j’avais du mal à cumuler emploi et temps de création à l’atelier. Je ne savais pas non plus où je voulais aller en termes de produits. J’ai aussi commencé à donner des cours, ce qui m’a permis d’avoir un revenu fixe.
La deuxième année a été intense : je vends sur les marchés et en ligne via Minuit Céramique, je donne des cours et je travaille sur des commandes pour des professionnels. Mon revenu est un ensemble de petites sommes et j’aime toucher à tout, c’est très varié.
J’aime autant travailler sur le développement de mes collections, que faire de la série pendant une journée en collant des anses pendant 7h par exemple ou réfléchir à une proposition de bol pour un restaurant… En début de semaine généralement je tourne, puis je tournasse et colle les anses en fin de semaine. J’ai aussi un moment plus administratif, “bureau” et j’aimerais trouver du temps pour la communication mais je n’y arrive pas encore. C’est du work in progress en permanence !
Tu peux nous parler de ton univers produit ?
Mes collections s’inspirent des années 50 à 70 : les anciennes tables en formica, l’électroménager Moulinex.. J’adore les brocantes et les formes rétro. Mon univers est naïf et très coloré. J’ai démarré avec les cafetières à filtre en m’inspirant des vieilles cafetières marrons et je les rendais plus modernes avec des couleurs.
Au début, je fabriquais des céramiques très pop avec des couleurs pastel notamment avec les flowers cup, puis au fur et à mesure je remanie mes collections en amenant des produits plus intemporels, mon style se construit petit à petit. J’essaie de lier les collections entre elles par la couleur et les formes. Je crée des déclinaisons. Une de mes pièces préférées est le Panier Zinzin.
En ce moment j’ai des envies de terre noire , on verra ou cela m’amène.
Pour mon processus créatif j’ai voulu m'éloigner de ce que j’avais appris dans mon ancien métier de styliste et ou c’était très cadré : on part d’une inspiration, tout doit être référencé. Maintenant lorsque je cherche une nouvelle forme , je vais sur mon tour sans croquis initial, ni moodboard et je démarre directement. C’est très spontané !
C’est quoi la suite pour toi ?
J’ai envie de développer un lieu qui vit, avec du passage et de continuer à me former, notamment sur les émaux. Je viens juste de déménager à Arles et je cherche un atelier ! Aujourd’hui, j’arrive à vivre de mon métier.