À Besançon avec Yaël Germain
Je m’appelle Yaël Germain et je suis céramiste à Besançon. Vous pouvez me rencontrer à l’atelier Moka dans le centre-ville. Ma grande sœur a ouvert la voie avec un bac arts appliqués et j’ai alors su au collège que je souhaitais avoir un parcours artistique comme elle. L’ambiance était particulière et je ressentais une vraie énergie créative qui me faisait rêver. Je n’avais pas envie de suivre un cursus classique.
J’ai postulé au lycée Pasteur à Besançon en Arts Appliqués et j’ai rejoint ce cursus en première. On est allé à Paris découvrir les 4 grandes écoles d’art. L’ambiance avait l’air décontractée, ça me plaisait beaucoup. Je savais à ce moment-là que je souhaitais faire un métier manuel.
Après le lycée j’ai poursuivi avec le DMA (diplôme des métiers d’art) de l’école Duperré à Paris. J’y suis allée avec l’idée de tester le matériau céramique pour devenir plasticienne. Et je le trouvais fascinant par ses plusieurs états : liquide, solide, mou, dur.. ainsi que la palette possible d’émaux. J’arrivais à me projeter.
L’école proposait de faire un an de stage. J’ai passé l’année dans 7 ateliers différents, la plupart réalisant leur production en coulage et au fond c’était la technique qui me plaisait le plus. J’ai particulièrement été inspirée par Lou Céramique à Annecy. J’adorais sa réflexion, ses couleurs, ses réalisations..
Et la vie à l’atelier m’a envoyé du rêve : être à son compte, pouvoir élaborer ses collections et créer les harmonies, être décisionnaire. C’est un métier de liberté.
Tu peux nous raconter ton installation ?
Après Duperré, je me sentais prête à me lancer et je voulais fabriquer des pièces en porcelaine au coulage et teintées dans la masse.
J’ai commencé à chercher un atelier près de chez mes parents à Bletterans dans le Jura et un potier partait à la retraite. C’était un très bon timing. J’ai vécu chez mes parents sans frais, je pouvais donc me payer le loyer de l’atelier de 200€ et l’électricité. En parallèle, pour gagner un peu de sous, j’ai réalisé un service civique pendant une petite année où j'étais conseillère d’accueil à Pôle Emploi. J’ai aussi gardé des enfants.
L’expérience chez Lou m’avait fait prendre conscience de la polyvalence nécessaire du métier et des risques. Je me suis pas mal mise la pression les premiers mois et je craignais de rencontrer des difficultés techniques à l’atelier. La déformation de la terre par exemple. En revanche je n’étais pas stressée pour la vente. Une maîtresse de stage m’avait d’ailleurs conseillé de démarrer par 6 mois de tests sans vente.
J’ai acheté un four neuf et il y avait une table de potier qui était restée dans le local. Je n’ai pas eu beaucoup d’argent à investir. Je n’avais pas de tour à acheter et j’ai pris la porcelaine la moins chère, un émail transparent basique…
Je passais la moitié de mon temps à l’atelier et je travaillais à côté. C’était dur psychologiquement car je n’aimais pas particulièrement les jobs alimentaires que j’ai fait. Pour la période de Noël j’ai décidé d’arrêter pour me concentrer sur la fabrication et ça a été un soulagement !
Quelle a été ton inspiration pour tes collections ?
En lançant l’atelier, j’avais une idée assez précise de mes collections : j’imaginais des jeux de hauteurs entre mes pièces, des tasses, des vases. J’avais aussi des couleurs très précises dans la tête, ça m’est venu spontanément.
J’ai décidé de faire 10 tests de couleurs et les résultats m’ont beaucoup plu. J’en ai gardé 4 : bleu, rose, vert d’eau et orange, que j’utilise encore aujourd’hui.
J’avais envie de dégrader les couleurs et la réflexion est partie de là. À Duperré j’avais travaillé sur un projet d’études sur le corps de la femme et la gourmandise et le marbré était souvent revenu, je le trouvais gourmand. J’avais donc aussi en tête de l’exploiter dans mes collections, il fallait juste trouver comment y arriver techniquement.
L’utilitaire est très important pour moi. Je suis une hypersensible des objets et j’adore la vaisselle, les objets présents au quotidien. Je voulais aussi garder des formes épurées pour travailler davantage sur les couleurs et motifs et créer des combinaisons qui sont assorties en mix & match.
En 4 ans de pratique, j’ai affirmé ma technique et les motifs sont plus marqués : c’est plus clair, plus c’est lisible. Mon objectif est de toujours me perfectionner et j’adore mes deux collections Marbré et Wavy, c’est toujours une grande surprise à l’ouverture du four et
Je développe de nouveaux coloris comme le vert récemment.
Pour de futurs produits, j’aimerais essayer des pièces décoratives comme des assiettes murales, des miroirs ajourés..
Quel est ton rythme de travail à l’atelier ? Et quels sont tes canaux de vente ?
Je suis depuis 2 ans dans un atelier-boutique partagé avec la céramiste Marie-Ange Huet. On l’a appelé Moka.
Le matin, je me concentre sur les mails et la préparation de contenu pour Instagram. L’après-midi je vais à l’atelier pour des sessions de coulage, émaillage, finitions.. Je n’ai pas d’horaires précises, je fais les choses comme elles viennent. L’atelier est ouvert au public dont j’accueille aussi les clients.
Côté vente, j’ai démarré avec les petits marchés de producteurs puis les marchés de potiers sur candidature et j’ai eu la chance d’être rapidement sélectionnée. J’ai aussi mis des petites annonces dans le journal du coin et lancé quelques publications payantes sur Facebook, ce qui a fait venir du monde au niveau local. Pendant le Covid j’ai créé un compte Etsy puis j’ai intégré Minuit Céramique plus récemment.
Mon année s’organise autour des marchés, je vends aussi à quelques boutiques qui vendent les collections. Et c’est la vente en direct à l’atelier qui rapporte le plus.
Ça fait deux ans que je suis autonome financièrement et que je vis de mon activité et je trouve ça incroyable. Le rythme actuel me convient, je ne ressens pas le besoin d’en faire plus pour le moment et ça me permet d’avoir du temps pour moi à côté.
Qu’est ce que tu aimes à côté de ton métier ?
J’aime la danse et je fais du Hip-Hop. J’aime aussi me balader dans la nature et manger des pâtisseries, c’est mon côté gourmand ! J’ai beaucoup de plantes à la maison et j'apprécie de m’en occuper. Plus généralement j’aime les matières, les textures, les couleurs, c’est le cas avec les fleurs. J’adore aussi le terrazzo, et j’adorerais imaginer une collection qui s’en approche !