Elena Papandreou : une reconversion suite à un cancer du sein
Avant d’arriver à la céramique, tu as eu un long parcours dans le milieu de la publicité. Tu peux nous parler de ta reconversion?
Oui, je pense que longtemps dans ma vie j’ai suivi un flot. Au lycée je ne savais pas trop ce que je voulais faire et donc pour garder les portes ouvertes (ce qu’on disait tout le temps à l’époque), j’ai fait une école de communication, avec un angle un peu business.
J’y ai d’ailleurs rencontré Katya, mon associée aujourd’hui avec qui j’ai monté notre atelier à Paris !
En tout j’ai travaillé 10 ans en agence de pub. J’avais un poste opérationnel et je bossais beaucoup. J’étais le chef d’orchestre, en contact à la fois avec les créatifs, le business et les directeurs d’agences. Mon boulot c’était de faire que tout fonctionne en temps et en heure.
C’était épuisant et j’étais dans un tunnel sans m’en rendre compte.
Et quel a été ton déclic, qu’est-ce qui t’as fait quitter tout ça ?
Haa.. un beau petit cancer du sein !
Tu as quel âge à ce moment-là ? Comment ça s’est passé ?
J’ai 32 ans, ce qui est très jeune pour un cancer du sein. Bien sûr on ne décide pas de ces choses-là : ça te tombe dessus et il faut faire avec. Au début, je lisais plein de témoignages sur des personnes qui remettent tout à plat pendant leur thérapie. Et je me disais “non ça ne déclenche rien chez moi” donc je ne comptais rien changer et retourner travailler en agence.
Et finalement j’ai très vite remis ma vie en perspective. Il y a quelque chose de malheureux à dire ça peut-être, mais heureusement que ça m'est arrivé sinon je serais toujours en train de bosser en agence sans me poser réellement la question “ qu’est ce que je fais la ? ”.
Pendant un an, je me suis soignée et j’ai pris du temps pour moi. J’ai réfléchi et il n'était pas question de reprendre ma vie d’avant. C’est à ce moment-là que j’ai pris mon premier cours de céramique.
Comment la céramique s’est installée dans ta vie ?
On a trouvé deux places avec Katya dans le 18eme pour des cours réguliers tous les samedis. Entre-temps, je suis retournée au travail, en mi-temps thérapeutique, mais ça n'avait plus de sens.
J’ai finalement pû quitter l’agence et faire financer une vraie formation de céramique en vue d’obtenir un CAP tournage.
Pendant les 6 mois de formation, j’étais dans un autre monde où je pensais à la céramique H24. Le rythme était hyper intensif, c'était 6 mois sans s’arrêter. Un changement de monde complet ! J’ai ensuite monté un petit atelier chez mes parents dans une petite dépendance qui me permettait de démarrer facilement ma production. Et c’est à l’été 2021 qu’on a décidé de s’associer avec Katya pour lancer La fabrique du canal, notre atelier dans Paris qui a ouvert en février 2022.
Génial ! Aujourd'hui vous travaillez toutes les deux dans l’atelier. C’est aussi une aventure entrepreneuriale, comment ça s’est déroulé ?
On avait appris pas mal de choses en agence de pub donc on a monté un dossier et on s’est fait aider. On a rédigé notre business plan, on est allé voir la mairie, les banques et finalement on a réussi à trouver un lieu : près du canal de l’Ourcq. Aujourd’hui on donne des cours avec plusieurs formats différents à l’atelier, pour enfants et pour adultes. Ça va de l’initiation à des cours réguliers. D’ici quelques années j’aimerais bien que l’atelier tourne tout seul avec d'autres intervenants, pour que je puisse me concentrer davantage sur ma pratique.. mais on a le temps :)
Est-ce que cette pratique a changé profondément quelque chose chez toi ?
Oui totalement ! J’ai appris à lâcher prise. Avant j'étais tout le temps en contrôle de tout : le planning, l’organisation, les objectifs à atteindre. Au début, j'ai gardé ce réflexe d'être en contrôle : j’ouvrais le four et j'étais énervée parce que les pièces ne sortaient pas comme j’imaginais. Eh oui, c’est ça la céramique. Maintenant quand j’ouvre, je suis plus cool. Si ce n’est pas comme je l’espérais, ce n’est pas grave. La terre décide, la cuisson décide, je ne peux qu’essayer à nouveau.
Dans tes pièces on a un vrai travail de l’émail et des belles couleurs bleues, est-ce un clin d'œil à tes origines ?
Peut-être ! Je suis grecque, enfin à moitié. Mon père est grec, je suis née à Athènes et je suis arrivée à 6 ans en France. J’adore la recherche et le travail autour des émaux. Ces effets irisés et changeants, ça me passionne. C’est à la fois beaucoup de maîtrise pour avoir une recette parfaite et aussi de la surprise avec des effets imprévisibles à chaque cuisson.
C’est vrai qu’il y a quelque chose autour de la mer, la Méditerranée, le soleil de la Grèce. Les effets blanc dans mes assiettes lagon me rappellent les écumes de la mer.