Alejandra Andrade - atelier SUYU
Est-ce que tu peux me raconter ton enfance ? Tu as grandi en Bolivie et ton univers est très imprégné de cette culture :
Oui, j’ai grandi en Bolivie, entouré d’un père qui travaillait dans la pub pour les journaux papier. Il faisait tout à la main à l’époque. Il découpait ses encarts, les posait sur de grandes feuilles, il fallait tout faire manuellement. Je me souviens de l’odeur de la colle, des papiers découpés.
Je voulais faire du design graphique mais en entrant à l’université je me suis tournée vers les arts et j’ai fait une maîtrise en arts plastique, spécialisée en Peinture.
C’est à ce moment-là que tu découvres la céramique ?
J’ai effectivement fait 2 ans de céramique pendant mes études. Je me souviens qu’on allait fabriquer notre propre terre, c’était tout un processus. On allait la puiser à la montagne et on la préparait ensuite à l’atelier. À ce moment-là, je ne faisais pas du tout de vaisselle, pas de travail sur l’émail, je ne savais pas tourner non plus. C’était uniquement de la sculpture et un peu de modelage. Quelquefois j’intégrais de la céramique dans mes peintures, mais très vite mon travail artistique s’est tourné vers la performance et la vidéo.
Donc tu as commencé une carrière en Amérique du Sud autour de ta pratique artistique ?
Oui :) Pendant 7 ans, j’ai consolidé tout mon parcours artistique. J’ai participé à des résidences, représenté la Bolivie lors d’une biennale au Brésil, j’ai beaucoup voyagé.
Ma carrière dans le monde de l'art contemporain débutait et c’est à ce moment là que j’ai rencontré mon futur mari, français.
Tu l’as suivi en France et tu y es installée depuis …
C’est ça ! Quand je suis arrivée en France, je ne connaissais pas bien la langue et il fallait reconstruire tout mon réseau artistique qui était principalement en Amérique du sud. Je suis revenue à la peinture, j’ai essayé d’avoir quelques galeries mais c’était compliqué. Très vite je me suis tournée vers un boulot plutôt alimentaire, dans le tourisme. Je me suis stabilisée et pendant 7 ans j’ai mis un peu ma pratique de côté, jusqu’à ce que ça revienne comme une nécessité.
Il y a eu un déclic, qu’est ce qui t’a amené à la céramique finalement ?
Je voulais quelque chose de plus accessible, quelque chose de plus fonctionnel qu’une peinture ou une œuvre d'art. Donc je me suis intéressée à des pièces utilitaires. J'avais déjà fait un peu de céramique et j’avais un tout petit four chez moi pour faire de petites pièces.
La première étape à été de vraiment apprendre la céramique, vraiment bien. Pas pour faire de la sculpture, donc je me suis inscrite pour passer le CAP tournage.
Comment t’es-tu lancée ?
D’un côté j’avais déjà une pratique artistique, donc un style et des inspirations. Puis j’ai rencontré Sarah de Dodo Toucan. Elle avait besoin d’aide. J’avais pas mal d'expériences en peinture et décors, donc c’était parfait. Maintenant j’ai un atelier partagé avec d’autres céramistes dans le 13ème à Paris : Terramoto et je travaille deux jours par semaine dans l’atelier de Dodo toucan pour décorer ses pièces. J'adore ! Pouvoir pleinement vivre de son métier, c’est extraordinaire.
Dans tes pièces tu mêles le dessin et la céramique..
Oui, la céramique c’est une surface, comme une feuille de papier pour pouvoir mettre mes dessins, mes histoires. La pièce reste simple comme un support. J’ai commencé à dessiner des personnages ici en France et après un peu de recherche j’ai découvert le transfert d’image. Ça me permet d’avoir toute la précision et la finesse que je veux dans mes dessins et surtout d’avoir des choses très colorées.
La céramique m’a poussée, m’a aidée à me réveiller. Je n’étais pas une grande dessinatrice par exemple. Mes dessins, c'était très intime : je n’osais pas les montrer et avec la céramique j’ai commencé à avoir davantage confiance en mes dessins.
Et ces dessins sont issus d’histoires et d’inspirations venant d’Amérique du Sud ?
En partie oui. J’ai beaucoup d’inspiration venant de l’art préhistorique, de l’art pré-colombien. J’aime beaucoup les histoires des peuples indigènes de l'Amazonie. Je reprends des coutumes, je m’en inspire. S’il y a une inspiration liée à l’Amérique du Sud dans mes dessins et mes céramiques, elle ne fait pas tout ! J’essaie d’avoir une lecture plus ouverte sur le monde : l’imaginaire, la poésie, la magie qu’un dessin peut provoquer.