L’atelier CAPPABLE à Paris
Charlie est céramiste dans le 20e arrondissement de Paris sous le nom CAPPABLE. Autodidacte, elle s’est formée à la pratique de la terre toute seule, après plusieurs vies professionnelles. Son fil rouge : faire et transformer la matière.
Est-ce que tu peux nous raconter ton parcours scolaire ?
J’ai eu un rapport très contrarié à l’école, je l’ai détesté et elle me l’a bien rendu. Je ne rentrais pas dans les cases car j’étais dissipée mais avec de bons résultats ! J’ai fini par passer mon bac en candidature libre et l’obtenir. Puis j’ai postulé aux beaux-arts de Rueil-Malmaison et j’ai été acceptée. J’y suis restée quelques mois. L’enseignement était de qualité mais je crois que je ne supportais vraiment plus le cadre scolaire.
À ce moment-là je rêvais de la vraie vie, je voulais être autonome et avoir des expériences concrètes. J’ai alors démarré par des petits boulots.
Tu as toujours été dans des métiers artistiques, quel a été ton cheminement ?
Petite j’étais déjà très manuelle. J’étais du genre à démonter des objets pour comprendre comment c’est fait et à réassembler. Et rien ne me rendait plus heureuse qu’une boîte à outils. Lorsque j’ai commencé à travailler, j’ai été prise comme petite main sur des tournages de cinéma. J’ai d’abord commencé comme stagiaire et progressivement je suis devenue ensemblière, puis accessoiriste aussi, ce qui m’allait très bien ! On bricole tout sur le plateau et on prépare les décors.
Je me lasse très vite en général et j’ai besoin d’apprendre des choses. L’avantage des tournages c’est que chaque projet est différent, on repart d’une feuille blanche.
Je pouvais aussi bien faire de la menuiserie, des patines, de la tapisserie, imaginer des objets... J’ai passé beaucoup de temps dans des ateliers. J’étais vraiment dans le faire.
J’ai exercé ce métier pendant une quinzaine d'années. À la fin, j’étais première assistante déco, je gérais le budget déco, qui est le plus gros poste de dépenses sur un film. C’est stressant mais passionnant. On s’occupe des achats de matériaux, de la location du mobilier et des accessoires, on engage les équipes, on gère les salaires, le planning des décors…
J’ai aussi été DJ, j’ai travaillé en cuisine dans des restaurants, puis en régie cuisine pour des émissions TV culinaires, souvent à cent à l’heure. J’ai aussi ouvert un bar à Paris dans le 18e où on pouvait acheter tout le mobilier, boire un verre et repartir avec un luminaire !
Comment est arrivé la céramique dans ta vie ?
Un peu par hasard. Un matin je me suis réveillée et je ne savais plus où je devais aller travailler. Comme j’avais 2 à 3 jobs en parallèle, là je me suis rendue compte que c’était trop et qu’il fallait lever le pied.
Je me suis posée la question : Qu’est ce que j’aime faire ? Et ce qui est ressorti c’était toujours fabriquer et transformer la matière.
Là, je décide alors de me mettre à mon compte pour créer. Mes premières envies c’était de créer des luminaires et du petit mobilier.
En 2016 je lance alors l’atelier CAPPABLE avec les matières bois et plastique en tête. Et puis on me propose une place dans un atelier partagé où il y a un four pour la céramique. Il ne m’en fallait pas plus pour expérimenter ! Et j’ai adopté le grès. La technique de la plaque m’a plus de suite aussi car elle ressemble beaucoup à la manière de travailler en menuiserie : préparer ses débits et les assembler, sauf que la barbotine remplace les vis. Puis je me suis mise au coulage. Moi qui ne suis jamais rentrée dans aucun moule, aujourd’hui je les fabrique.
D’ou vient le nom de ton atelier ? CAPPABLE ?
CAPPABLE, c’est la version française de mon nom de famille italien, qu’aucun prof à l’école n’a jamais été « capable » de prononcer correctement. Et puis ça résonne assez bien avec mon profil touche à tout..
Tu peux nous dire un mot sur tes collections ?
Je suis revenue à la peinture, que je pratiquais plus jeune. Je peins à l’huile et à l’aquarelle. Je souhaitais donc peindre mes collections et je travaille avec des engobes.
C’est un moment que j’adore dans le processus de fabrication d’une pièce, lorsque j’en arrive à peindre les motifs. Je pourrais faire ça des heures ! Il y a parfois une corrélation entre la musique que j’écoute et le nom de mes collections. Par exemple, lorsque j’écoutais en boucle un album de Van Morrison, j’ai nommé ma collection de l’époque VanM.
Aujourd’hui j’ai deux collections principales : olololo et Elv…ing. Pour la première j’avais des envies de noir et blanc et d’un motif binaire, rond, trait, rond, trait.. comme un code.
La deuxième très colorée est ma collection “écolo”. J’utilise toutes les fins de pots de couleurs que j’ai à l’atelier, ce qui me permet de ne rien gâcher.
Est-ce que tu te considères comme céramiste ?
Plutôt comme “chercheure” en objets ! La fabrication a toujours été là, c’est le matériau qui évolue. Je ne vois pas mon changement de jobs comme une reconversion. C’est une continuité. Et en ce moment je travaille la terre.
Qu’est ce qui te plait le plus dans ce métier ?
La liberté. Je ne pourrais plus travailler dans une entreprise, pour quelqu’un.
Au cinéma ou en cuisine, le rythme était toujours intense. Et je donnais ce temps à autrui pour leurs projets. Aujourd’hui c’est pour moi. Et même si j’ai le sentiment de toujours manquer de temps, j’avance au rythme que me permet la vie, étant maman solo, mon fils passe en priorité.
Et j’apprends à lâcher prise. Je ne souhaite plus m’essorer moi-même.
Est-ce qu’à côté de l’atelier tu as le temps pour pratiquer une autre activité ?
Il y a pas mal de musiciens dans ma famille. J’écoute beaucoup, beaucoup de musique. J’ai commencé le piano vers 30 ans, j’ai aussi joué de la batterie, et plus récemment je me suis mise au Ukulélé. Plus pratique pour partir en vacances !